La fiscalité et le fonctionnement du démembrement immobilier

Attachez vos ceintures, nous entrons dans une zone de turbulence juridique où la fiction et le réel ne font plus qu’un. Bienvenue dans le monde merveilleux et abstrait du démembrement de propriété ! Il est possible que lors d’une discussion avec un conseiller en gestion de patrimoine ou un notaire, vous avez entendu parler de démembrement de propriété, d’usus, de fructus, d’abusus… Vous n’y comprenez rien ? Normal c’est du latin !

Pourtant, vous auriez tort de ne pas approfondir tant il est possible de faire des jolies choses avec le démembrement de propriété et plus particulièrement pour les biens immobiliers. Réduction de la fiscalité, diminution des droits de succession, diminution de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière)… Nous allons essayer de tout vous expliquer simplement. Commençons par les bases du démembrement et du concept de droit de propriété en droit français.

La notion de démembrement de propriété

Le droit de propriété peut se définir comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue à condition qu’on n’en fasse pas un usage interdit par la loi ou que celui-ci dégénère en abus (article 544 du Code civil). De cette définition, il est possible de tirer trois sous catégories de droit reconnu à un propriétaire :

  • un droit d’usage (l’usus) ;
  • un droit sur les revenus générés par la chose (le fructus) ;
  • un droit de disposer de la chose (l’abusus).

Cette décomposition de la propriété en trois droits différents permet de démembrer la propriété de sorte qu’un individu peut disposer d’un droit et non des autres. On parlera alors d’usufruitier et de nu-propriétaire.

L’usus, l’abusus et le fructus

Comme nous l’avons dit, le droit de propriété se décompose en trois droits distincts : l’usus, l’abusus et le fructus. Classiquement, ces trois droits sont entre les mains d’une seule personne : le propriétaire.

Le propriétaire dispose donc du droit d’user de la chose comme bon lui semble (sauf s’il en fait un usage prohibé par la loi tel que le fait de réserver son souterrain pour y organiser des combats de coqs…). Dans le cas d’un bien immobilier, il peut y vivre et meubler l’endroit à sa convenance. C’est ce qu’on appelle l’usus.

De plus, le propriétaire peut mettre son bien immobilier en location. La location va générer des revenus fonciers réguliers qu’il pourra percevoir en sa qualité de propriétaire. C’est ce qu’on appelle le fructus.

Enfin, le propriétaire peut modifier son bien immobilier, rajouter un étage, détruire un mur, le mettre en vente… On parle alors d’abusus, c’est-à-dire le droit de disposer de la chose.

Mais alors que se passe-t-il lorsque ces droits ne sont pas entre les mains d’une seule personne ?

Les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier

Les composantes du droit de propriété peuvent être démembrées : le droit d’usage et d’en tirer les fruits appartient alors à une personne tandis que le droit de disposer est reconnu à une autre.

On parle ainsi respectivement d’usufruitier et de nu-propriétaire.

L’usufruitier dispose d’un droit jouissance sur le bien immobilier et peut par exemple le mettre en location pour en tirer des revenus ou simplement y vivre tandis que le nu-propriétaire dispose simplement de l’abusus c’est-à-dire le droit de vendre la chose, de la modifier voire de la détruire.

En d’autres termes, accorder l’usufruit d’un immeuble à quelqu’un c’est en quelque sorte lui proposer une location améliorée (à noter que ça n’a quand même pas grand-chose à voir sur le plan juridique), l’usufruitier pourra habiter le bien à sa convenance ou le louer.

L’usufruit peut être accordé de manière temporaire (pendant une durée déterminée), on parlera alors d’usufruit temporaire. Il peut aussi être accordé en viager c’est-à-dire jusqu’à la mort de l’usufruitier.

À l’issue du démembrement, l’usufruit retourne dans le patrimoine du propriétaire : la propriété est « remembré ».

Mais comment procéder au démembrement immobilier ?

Comment démembrer la propriété d’un bien immobilier ?

Le démembrement de propriété peut résulter de deux choses :

  • d’une situation de fait (fait juridique) c’est-à-dire que la propriété se retrouve démembrée en raison d’un événement particulier tel que le décès d’un conjoint laissant des enfants nés de son union et un conjoint survivant ;
  • la volonté de l’homme c’est à dire par voie contractuelle où le propriétaire accepte de démembrer la propriété de son bien.

Il est donc tout à fait envisageable de faire le choix de démembrer la propriété d’un bien immobilier en attribuant l’usufruit à un tiers ou l’inverse : faire donation de la nue propriété et conserver l’usufruit.

Quel est le coût d’un démembrement de propriété immobilière ?

En principe, le démembrement de propriété est un acte juridique gratuit.

Ceci étant, il conviendra de vous rapprocher d’un notaire pour établir l’acte de démembrement immobilier. Ce dernier vous facturera des honoraires entre 1000 et 1500 euros selon l’ampleur du démembrement.

Toutefois, le coût démembrement d’un bien immobilier est particulier puisque selon les situations des droits d’enregistrement peuvent être dus comme lors d’une vente immobilière.

Ainsi, si vous faites donation de la nue propriété, il faudra payer des droits d’enregistrement en plus d’éventuels droits de donation. Mais, comme nous le verrons, la valeur fiscale d’une nue propriété n’est pas la même qu’en pleine propriété !

La fiscalité applicable au démembrement de propriété immobilière

L’intérêt majeur du démembrement immobilier réside dans la fiscalité applicable. En effet, la valeur fiscale d’un bien immobilier démembré est inférieure à la valeur vénale (prix du marché) d’un bien en pleine propriété.

Pour établir cette valeur fiscale, il faut distinguer selon que le démembrement est envisagé de manière temporaire ou en viager.

La fiscalité du démembrement immobilier en viager

Pour déterminer la valeur de la nue propriété, des droits d’enregistrement et de la taxe de la publicité foncière d’un bien immobilier démembré en viager, il convient de se référer à l’article 669-I du Code général des impôts. Le barème de l’usufruit dépend de l’âge de l’usufruitier et est exprimé en pourcentage de la valeur de la pleine propriété comme il suit :

Âge de l’usufruitier Valeur de l’usufruit Valeur de la nue propriété
Moins de 21 ans révolus 90% 10%
Moins de 31 ans révolus 80% 20%
Moins de 41 ans révolus 70% 30%
Moins de 51 ans révolus 60% 40%
Moins de 61 ans révolus 50% 50%
Moins de 71 ans révolus 40% 60%
Moins de 81 ans révolus 30% 70%
Moins de 91 ans révolus 20% 80%
Plus de 91 ans révolus 10% 90%

La fiscalité du démembrement immobilier temporaire

Lorsque l’usufruit est attribué de manière temporaire, il n’est plus tenu compte de l’âge de l’usufruitier pour établir la valeur fiscale de l’usufruit.

Ainsi, la valeur de l’usufruit temporaire correspond à 23% de la valeur de la pleine propriété pour chaque tranche de 10 ans. Ainsi, si l’usufruit d’un bien immobilier de 100 000 euros est consenti pour une durée de 10 ans, sa valeur fiscale sera de 100 000 x (23 % + 23%) soit 46 000 euros.

La fiscalité c’est bien joli, mais à quoi ça sert de démembrer un bien immobilier ?

Réduire l’IFI grâce au démembrement immobilier

Une des premières applications du démembrement est la possibilité de faire sortir de son patrimoine certains biens immobiliers pour limiter voire éviter le paiement de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière).

En effet, la nue propriété d’un bien immobilier n’est pas prise en compte dans le calcul de l’IFI, seul l’usufruitier peut être redevable de l’impôt sur la fortune immobilière.

Bien entendu, l’objectif premier n’est pas d’éviter l’impôt à tout prix au risque que l’opération soit considérée comme de l’abus de droit fiscal. Par contre, si vous êtes assujetti à l’IFI et que vous logez gracieusement un membre de votre famille, pourquoi ne pas simplement lui consentir l’usufruit temporaire du logement ? Cela réduira vos impôts tout en lui permettant de jouir convenablement du bien. Une pierre deux coups !

Anticiper sa succession grâce à la donation de la nue propriété avec réserve d’usufruit

Autre point intéressant du démembrement immobilier : la succession. Vous n’êtes pas sans le savoir, les droits de succession en France peuvent vite atteindre des sommes conséquentes. C’est pourquoi il est préférable d’anticiper la succession !

Ainsi, il est possible de démembrer un bien immobilier (votre résidence principale par exemple) et de faire la donation de la nue propriété à vos enfants par exemple. Vous conservez l’usufruit en viager de sorte que pendant toute votre vie, vous pourrez pleinement jouir du bien immobilier. À votre mort, l’usufruit retourne dans les mains du nu-propriétaire sans passer par la case impôt des successions. Pas mal non ?

Toutefois, comme nous l’avons vu, la nue propriété à une valeur fiscale moindre, mais une valeur quand même. Il faudra donc s’acquitter des droits de donations en fonction de la valeur fiscale du bien immobilier. Selon les liens entretenus, le don familial sera plus ou moins taxé.

De plus, la donation de la nue propriété d’un bien immobilier implique de passer devant un notaire et de s’acquitter des droits d’enregistrement (ou frais de notaire) comme lors d’une vente immobilière.

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  • Est-il possible de démembrer des parts de SCPI ?

    Comme pour un bien immobilier, les parts de SCPI peuvent être démembrées selon vos objectifs patrimoniaux. Pour le nu-propriétaire, l’objectif sera de pratiquer une décote sur la valeur fiscale des parts. Quant à l’usufruitier, il pourra tirer les revenus des parts de SCPI.

  • Qu’est-ce que le démembrement immobilier ?

    Le démembrement immobilier est un acte par lequel le propriétaire décide de séparer les trois composantes de son droit de propriété (l’usus, le fructus et l’abusus) afin de distinguer l’usufruit de la nue propriété. L’usufruitier pourra jouir du bien et en tirer des revenus tandis que le nu-propriétaire conservera le droit de disposer de la chose.